Se retirer pour que le combat continue : le Dalai Lama prend sa retraite

Publié le par Chinoiseries

La succession du Dalai Lama, né en 1935, est depuis des années un sujet de tension. La crainte, sans doute partagée par les chinois comme par les tibétains, est que la mort et la succession du Dalai Lama ressemblent à celle du Panchen Lama, deuxième personnage du bouddhisme tibétain, en 1989 : les manifestations de deuil avaient dégénéré, préfigurant le printemps de Pékin quelques mois plus tard. Il avait fallu attendre 1995 pour qu'un successeur soit désigné. L'enfant de 6 ans avait aussitôt été enlevé, on n'en a plus jamais entendu parler depuis, et les autorités chinoises avaient désigné leur propre successeur. Cette substitution avait été très mal perçue par les tibétains qu'ils soient ou non religieux.

 

En annonçant sa retraite politique, le Dalai Lama joue un coup astucieux. Cela revient à séparer ses fonctions politique, leader du mouvement tibétain et chef du gouvernement en exil, et religieuse, chef spirituel du Tibet, réunies depuis plus de cinq siècles. Il permettra ainsi au mouvement tibétain de se trouver un nouveau dirigeant dans de bonnes conditions, abandonnant à Pékin le loisir de persécuter un nourrisson qui ne sera plus que chef spirituel. Il coupe aussi l'herbe sous le pied à ceux qui s'étonnent de la sympathie que suscite le Tibet et son régime théocratique féodal : c'est désormais le gouvernement tibétain en exil qui sera en position de donner des leçons de démocratie à la Chine.

Les autorités chinoises ne s'y sont d'ailleurs pas trompées, elles qui poussent leurs pions depuis des années en vue de la succession du Dalai Lama ont dénoncé une manoeuvre.

 

Reste quelques inconnues : Quelle sera l'autorité résiduelle d'un Dalai Lama désigné par Pékin et comment évoluera le bouddhisme tibétain s'il se voit privé un à un de tous ces chefs ? Coté politique : le mouvement tibétain doit beaucoup au charisme de Tenzin Gyatso et à la sympathie qu'il avait su inspirer pour sa cause, son successeur politique saura t-il en faire autant ? Quoiqu'en disent les autorités chinoises, le Dalai Lama actuel a plutôt contribué à apaiser les frustrations après des décennies d'enlisement et de colonisation et à stabiliser le Tibet, y compris en s'opposant ceux qui dans son camps réclamaient des actions plus radicales. Quelles formes prendra le mouvement tibétain après son retrait ? Il est à craindre qu'il perde une partie de son soutien international et se mette d'autant plus facilement à ressembler aux mouvements indépendantistes du Xinjiang : mois structuré et plus violent. Ce scénario n'est dans l'intérêt de personne.

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